Psychanalyse, Psychothérapie : quelles différences ?

Pierre Marie

Paris, Aubier, 2004, 235 pages

 

Dans cet ouvrage destiné au grand public, si l’on en croit la quatrième de couverture, et qui paraît au moment où à l’assemblée nationale, on voudrait régler le sort de la psychanalyse, en l’assimilant à une « forme de psychothérapie », Pierre Marie poursuit en fait une réflexion qu’il a engagée depuis longtemps.
En effet, dans « qu’est-ce que la psychanalyse ? » (aubier 1988), il avait déjà montré de façon convaincante que la méthode analytique, imposée à Freud par ses patients, allait fort heureusement à l’encontre de la doctrine analytique, davantage inspirée du scientisme freudien. Il y dénonçait la fétichisation de la discipline, qui conduit bon nombre d’analystes à user de la méthode à des fins psychothérapiques. Il proposait avec audace et lucidité de prendre la méthode freudienne à la lettre.
Puisque les enseignements qui ont trait à l’inconscient ont pour destin de demeurer toujours inentendus, ce nouvel ouvrage dans la ligne des précédents y insiste, sans relâche, sans céder d’un pouce, marquant sa place dans cette collection : il faut prendre au mot la psychanalyse. Pierre Marie s’y emploie, se gardant bien de remettre en cause les psychothérapies, aussi vieilles que le monde, mais montrant leur différence radicale avec la psychanalyse.
Lever le non-dit sur ces différences, toujours suggérées, jamais énoncées : si la démarche peut paraître simple, elle est d’une urgente nécessité. En intercalant un chapitre sur le langage entre celui qu’il consacre aux psychothérapies et celui dans lequel il présente la méthode analytique, Pierre Marie donne à voir quelque chose du clivage que produit justement en nous le langage. Il y a bien lieu, selon l’éthique de la psychanalyse, de suspendre la demande, ainsi que toute recherche illusoire de sens - dans laquelle nous ne pouvons pourtant pas nous empêcher de nous aliéner - pour entendre quelque chose du désir inconscient. Si l’expérience analytique y parvient, c’est bien comme l’auteur le propose dans une formule très heureuse par une « ruse de la raison. »
Si la lecture semble plus facile que celle des deux précédents essais, l’ouvrage procède de la même rigueur. Le lecteur est rarement ménagé, souvent bousculé.
Il est renvoyé, comme il se doit, à un impossible : il s’agit encore une fois de ne pas être dupe, sauf bien-sûr de l’inconscient.
A l’heure où l’on voudrait sécuriser la psychanalyse, la mettre au pas, il est nécessaire de lever l’ambiguïté que recèle le terme de psychothérapie, jamais à l’abri des visées normatives.
Ainsi cet ouvrage, au style alerte, qu’on pourrait croire écrit sous le coup de la colère, est au contraire une mise au point tranquille, lucide, qui veut rompre avec toute dérive moralisante concernant le débat qui agite tant les esprits entre psychanalyse et psychothérapie : ce sont avant tout des pratiques différentes. (« sans qu’il y ait lieu de blâmer l’une au profit de l’autre »). Encore fallait-il en prendre note. Dont acte.

 

Anne Bourgain
mai 2004

 


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