LIBERATION 04.05.06

Freud, 150 ans

Transfert par Alain de MIJOLLA et Alain VANIER

La notion désigne, en psychanalyse, le report inconscient, au cours d'une relation psychanalytique, des images et des émotions de son enfance sur son thérapeute. Elle est à distinguer de l'usage désormais courant du terme, car il y a forcément quelque chose d'un «transfert» dans les relations que l'on a avec toute personne ou toute situation : Monsieur X me rappelle... Il en va autrement au cours de la situation psychanalytique où l'analyste se voit au fil des séances chargé de représenter tel personnage du passé de l'analysant, père, mère, sœur, frère, etc. Il se développe alors une «névrose de transfert», moteur de la cure. Le transfert est inconscient et l'analyste peut en interpréter les manifestations, montrant que ce que l'analysant considérait comme un événement ou un sentiment actuel se rapporte en fait au passé. Il a comme clé pour ses interprétations l'analyse de son «contre-transfert», formé des sentiments conscients et inconscients réveillés par l'analysant.

Il caractérise la relation analysant-analyste et constitue un processus d'actualisation des désirs inconscients dans la cure. Les transferts sont d'abord des déplacements, dans le rêve, du désir inconscient sur des restes diurnes. L'analyste en est aussi l'objet, substitué à l'une des figures impliquées dans l'OEdipe. Le transfert est le moteur de la cure mais aussi résistance, car lié à une répétition qui s'effectue en toute méconnaissance. En effet, le sujet est amené à répéter, dans sa vie et dans l'analyse, de nouvelles éditions de tendances, de fantasmes liés à des représentations dont la première édition infantile a été refoulée. Lacan pourra dire que le transfert est la «mise en acte de l'inconscient». Il peut, sur le plan imaginaire, prendre, à l'égard de l'analyste, une coloration tendre ou hostile. L'analysant suppose à l'analyste un savoir, et, en ce sens, le transfert est de «l'amour qui s'adresse au savoir». Il n'est pas que répétition du fait de la position de l'analyste, de son désir. Lacan suppose ce désir, au coeur du transfert et de la cure. Il est ce qui distingue l'analyse de la suggestion, elle aussi fondée sur le transfert, à ceci près que, du pouvoir que donne celui-ci, l'analyste refuse de se servir.

Dans la même rubrique


[retour revue de presse]