LIBERATION 27.04.06

Projet de loi sur l'immigration (J-5)
La lutte contre l'expulsion des élèves sans-papiers fait école

La e-pétition du collectif Éducation sans frontières rencontre un écho grandissant.
par Marie-Joëlle GROS

 

C'est un appel à la désobéissance civique. Depuis quelques jours, une pétition intitulée «Nous les prenons sous notre protection» circule sur l'Internet à l'initiative du Réseau éducation sans frontières (RESF). Sur fond de mobilisation contre le projet de loi Sarkozy sur l'immigration, dont l'examen débutera mardi à l'Assemblée nationale, ce collectif d'enseignants, de parents d'élèves et de lycéens appelle «tous ceux qui se sentent concernés par la défense des droits de l'homme» à «s'opposer aux expulsions massives de jeunes et de familles entières». Cette fin d'année scolaire risque en effet de se solder par des centaines d'expulsions. Une circulaire du ministère de l'Intérieur du 31 octobre 2005 interdit l'expulsion d'élèves en cours d'année. Ce sursis prendra fin avec les grandes vacances, le 30 juin.

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«Infamies». 130 personnalités (parlementaires, artistes, syndicalistes, chercheurs, etc.) ont déjà signé cette pétition. «Nous ne laisserons pas détruire la vie de ces enfants, de ces adolescents et de leurs parents, précise le texte (1). Ils sont nos élèves, les copains de nos enfants. S'ils décident d'échapper à une expulsion honteuse, nous les y aiderons. Nous sommes solidaires de ceux qui les accueilleraient. S'ils demandent asile, nous ne fermerons pas notre porte. Nous les hébergerons et nous les nourrirons. Nous ne les dénoncerons pas à la police. Cela contrevient aux lois en vigueur. Mais l'enseignement que nous avons dispensé à nos élèves ou l'éducation que nous donnons à nos enfants ne peut pas à être l'exemple de la soumission à un ordre injuste. (...) Nous ne laisserons pas se commettre des infamies en notre nom.» Aux côtés des militants du réseau RESF, les signataires insistent sur l'importance d'une mobilisation dans les jours prochains. En multipliant délégations en préfecture et manifestations de solidarité.

Aux avant-postes, des enseignants découvrent régulièrement la situation administrative de leurs élèves et la menace qui pèse sur les familles. De leur côté, des enfants comprennent que leurs camarades ne seront peut-être plus là à la rentrée suivante. La solidarité s'organise autour des établissements scolaires. En quelques années, les acteurs de l'éducation ont développé une extrême vigilance sur les questions d'immigration. Une attention redoublée ces jours-ci par l'examen du projet de loi sur l'immigration.

«Fortes réticences». Première fédération d'enseignants, la FSU a pris position contre ce projet, hier. Responsable du département «droits et libertés», Marylène Cahouet souligne «les fortes résistances contre ce projet de loi». Sitôt ses grandes lignes connues, un collectif «contre l'immigration jetable» s'est rapidement fédéré. RESF et la FSU en sont membres, parmi 400 associations ou partis politiques. «Ce mouvement n'est pas spécialement structuré, explique la FSU. Mais depuis que le gouvernement a décrété l'état d'urgence en novembre, toutes ces organisations ont pris l'habitude de travailler naturellement ensemble pour dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux.»

Deux journées d'action nationales sont prévues les 29 avril et 13 mai. Les cortèges du 1er mai devraient également porter cette contestation. Et un rassemblement est organisé le lendemain à proximité de l'Assemblée, jour de l'examen du texte. Des étudiants et lycéens qui se sont rapprochés des collectifs de sans-papiers pendant la mobilisation anti-CPE ont prévu d'en être.

(1) www.educationsansfrontieres.org

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