"Le pardon est mort dans les camps de la mort". Qui
a bien pu écrire une telle phrase? Un philosophe, un juigf,
un Français, un moraliste? Oui mais surtout un survivant,
un survivant mystérieusement sommé de proster sans
relâche contre l'indifférence. Sous le titre l'Imprescriptible
se trouve en effet réunis deux textes : Pardonner?
et Dans l'honneur et la dignité, parus respectivement
en 1971 et 1948, qui tentent de maintenir "jusqu'à
la fin du monde" le deuil de ceux qui furent exterminés
et de ceux qui sacrifièrent leurs vies. car Jankélévitch
n'a jamais séparé la dénonciation du mal
absolu que constitue le génocide juif de la vénération
pour les résistants. Son amour fou envers toutes les victimes
du nazisme et sa foi dans la solidarité des douleurs constituèrent
sa consolation.
Pourquoi souffler à nouveau aujourd'hui sur ces braises?
On pourrait facilement justifier cette parution en relevant dans
l'actualité les signes multiples qui indiquent la défaillance
de la mémoire et de l'histoire, mais ce serait trahir
le caractère intempestif et métaphysique de ce
qu'écrit ici Jankélévitch. Le philosophe
de l'occasion n'a jamais cru bon d'attendre l'occasion d'exprimer
sa colère et sa pitié. C'était toujours
pour lui le moment de rappeler que la mémoire de l'horreur
constitue une obligation morale. Car après tout, les Allemands n'ont jamais demandé pardon.
"J'ai beau tendre l'oreille, je
n'ai jamais entendu ce seul mot : pardon!"
Pardonner ? a paru initialement en 1971, Dans l'honneur
et la dignité, en 1948 dans Les temps modernes.
Ces deux textes étaient devenus introuvables.
Ils sont réunis dans cette édition.