Patience !

 

 

 

L’impatience est un affect, ce qui touche, le plus souvent en faisant souffrir. L'impatience est une réaction à la souffrance, réveillée par l'autre, les autres, ou par une situation ou un épisode douloureux, vécu ou fantasmé (ou bien les deux). L'imaginaire se met en marche et crée alors des confusions de personnes et de temps, cet autre devient plusieurs autres à la fois et les époques de la vie se superposent. Les scenarios imaginaires, ou inconscients, se déroulent intérieurement et l'impatience consiste dans ce cas à se rassurer en ayant hâte d'aller vérifier dans la réalité l'écart entre cet imaginaire et la nouvelle situation qui se présente. Il se peut que cet imaginaire, construit autour de situations traumatiques ou douloureuses du passé, induisent et orientent l'accès à la nouvelle situation tout en produisant de l'angoisse; la relation à l'autre est alors affectée, colorée, orientée par cette appréhension du présent confondue avec des réminiscences du passé.

 

L'impatience du "je veux maintenant... et tout de suite !" est un résidu de l'enfant souffrant en soi. Cet enfant d'avant le temps des limites imposées par son environnement afin qu'il arrive à se socialiser - dans le meilleur des cas - ou à se conformer à l'autorité parentale. C'est à chaque étape du développement une frustration de plus à surmonter. L'autre n'est pas soi... Le monde réel n'est pas le monde fantasmé... L'impatience peut aussi se transformer en l'affect de la colère, ou dans son édulcorant, l'agacement. L'autre en temps qu'autre est annulé tout en étant utilisé comme un objet-porteur-fantasmé de ce qui manque et que cet autre refuse de donner comme l'exige parfois cet enfant tyrannique en soi.

 

« Je vais le voir samedi soir. Il ne m'avait pas fait signe depuis deux jours. Il va croire que je suis folle de lui à lui téléphoner ainsi. Je le vois déjà m'ouvrant la porte, d'un air.... me faisant une bise... copain-copine. Je déteste ! C'est toujours comme ça quand je suis amoureuse. J'aimerais déjà être à samedi. Le temps devient si long alors que les scenarios défilent dans ma tête à vitesse grand V. Je n'aime pas cet air qu'il prend quand il m'ouvre la porte. Bon! Je sonne... Pourvue que mon nez ne brille pas.... Il met un temps fou à venir m'ouvrir.... Si ça s'trouve il n’est même pas là !... Ah si ! Je n'arrive pas à me remémorer son visage, à chaque fois c'est la même chose, comme un obstacle auquel je n'aurais pas pensé... Pourtant... J'imagine le pire pour ne pas être déçue. Mais non, rien à voir ! C’est si difficile de "laisser faire", C’est comme si je devais tout maitriser…. Maitriser quoi, au fond ?! »

 

 

 

Quoique l'impatience soit une formidable machine à voyager dans le temps à la portée de chacun, elle est aussi une esquive à la capacité de gouter la vie dans son instant, à

chaque fois unique.

 

catherine podguszer

septembre 2009

 

A lire :

Inhibition, symptôme, angoisse. Sigmund Freud

Psychopathologie de la vie quotidienne. Sigmund Freud

Personne n’est parfait. Catherine Podguszer et Saverio Tomasella (Eyrolles 2005)