INTERVENTION AUX X° RENCONTRES DE LA CRIEE 23/24 JUIN 2006

 

IL ETAIT UNE FOIS DES JUIFS ARABES…

 

 

 

 A  la mémoire de Jacques Hassoun…

 

 

Ce texte constitue à bien des égards une tentative de rendre compte d’un parcours affecté par la psychanalyse , l’histoire et la politique . Un tel  parcours ne peut être que subjectif mais il s’agit aussi d’essayer de penser avec d’autres cette fabrique des subjectivités qui ne peut se concevoir autrement qu’à l’entrecroisement du politique et de la psychanalyse. Certes chaque parcours analytique l’explore de façon singulière et témoigne du style, de la marque de chacun(e) mais il serait absurde de concevoir le sujet de l’inconscient en dehors de l’Histoire.

D’entrée de jeu, je voudrais citer un texte de Lacan qui me semble essentiel et que j’extrais de « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » (le « Discours de Rome » de 1953) p.259 des Ecrits :

« L’inconscient est ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge : c’est le chapitre censuré. Mais la vérité peut être retrouvée ; le plus souvent déjà elle est écrite ailleurs. A savoir :

- dans les monuments : et ceci est mon corps, c’est-à-dire le noyau hystérique de la névrose où le symptôme hystérique montre la structure

d’un langage et se déchiffre comme une inscription qui, une fois recueillie, peut sans perte grave être détruite ;

- dans les documents d’archive aussi : et ce sont les souvenirs de mon enfance, impénétrables aussi bien qu’eux, quand je n’en connais pas la

provenance ;

- dans l’évolution sémantique : et ceci répond au stock et aux acceptions du vocabulaire qui m’est particulier, comme au style de ma vie et à

mon caractère ;

- dans les traditions aussi, voire dans les légendes qui sous une forme héroïsée véhiculent mon histoire ;

- dans les traces, enfin, qu’en conservent inévitablement les distorsions, nécessitées par le raccord du chapitre adultéré dans les chapitres

qui l’encadrent, et dont mon exégèse rétablira le sens. »

 

Vous pouvez entendre que Lacan ne se contente pas des monuments ni des documents d’archives quand il précise « l’évolution sémantique », « les traditions » et enfin et surtout « les traces ». Or ces traces constituent un enjeu d’importance dès lors qu’on ne se contente pas d’une analyse superficielle, « comme si », et qu’il s’agit d’aborder l’archaïque, le noyau traumatique et a fortiori la psychose.

Ces traces ont pu subir des distorsions, une tentative d’effacement partiellement réussie, voire une forclusion plus radicale . C’est à ces traces que s’attaque Freud dans « Constructions dans l’analyse » et dans « l’Homme Moïse et la Religion Monothéiste », quand il pressent que le mécanisme du refoulement et l’hypothèse de la névrose collective ne peuvent  rendre compte des « impressions retranchées » qui affectent les masses. Certes il ne renoncera pas à la recherche des vestiges archéologiques, des archives qui pourraient confirmer ses hypothèses et pourtant à un moment il y a comme un saut nécessaire : la « vérité historique » n’est pas la « vérité matérielle » et il s’agit pour le psychanalyste de reconstruire à partir des traces désavouées, de tenter de défaire la verleugnung , concept dont Claude Rabant nous propose (dans « Inventer le Réel » )  quatre traductions : déni , démenti, désaveu ou répudiation . Or on ne lève pas un déni comme un refoulement : l’interprétation psychanalytique semble se heurter à un  mur ou s’enliser dans un magma. D’où la tentative freudienne de reconstruire ce qui a été escamoté par le montage de « la religion monothéiste » en s’appuyant sur les archives mais aussi sur la tradition orale et ses « silenciations » et en mettant en œuvre une sorte de logique du soupçon pour faire advenir « la vérité historique » . Il n’est pas indifférent que Freud ait recours aux mythes et à l’écriture d’un récit , d’un « roman historique » pour avancer l’hypothèse d’un Moïse égyptien , « le grand étranger » assassiné par les Hébreux à qui il avait transmis l’exigence monothéiste du culte d’Aton. Il est d’ailleurs remarquable que cette fiction produite par Freud, Lacan parlait lui du « mythe de Freud », ait  longtemps fait sourire les détracteurs de la Psychanalyse et profondément irrité les fidèles des trois monothéismes, y compris les musulmans égyptiens qui protestèrent vigoureusement à l’époque. Et pourtant cette hypothèse nécessaire s’est trouvée confortée par les travaux d’un égyptologue actuel, Jan Assmann , qui a reconnu lui aussi la nécessité de faire appel à la tradition orale pour pouvoir lire , interpréter , reconstruire l’histoire ; ce qui est important à plus d’un titre  et en particulier pour le « discours de la méthode » qui s’en dégage et que nous pourrions reprendre à notre compte .

 

Quoi qu’il en soit, la source se trouve toujours déplacée vers l’étranger, l’origine est in- appropriable et marquée d’une sorte de ligne de fuite : après tout quelle est la source du monothéisme au-delà d’Aton ?

Cette méthode freudienne qui mine ainsi toute identité trop assurée d’elle-même constitue aussi une éthique qu’il est toujours utile de rappeler dans un moment de renforcement des communautarismes religieux et de montée des nationalismes guerriers , et qui devrait servir de fil rouge à tous les psychanalystes s’affrontant au trauma dans la clinique et dans le Collectif.

Chacun ici sait pourtant qu’il n’en est rien et que l’effondrement de l’utopie universaliste portée par le marxisme a libéré des forces puissantes exaltant de nouveau l’ethnie, voire même la race, exigeant toujours plus le retour à une origine idéalisée, pure ou plutôt purifiée.

Comment ne pas constater ce retour du « sacrifice aux dieux obscurs » dont parlait Lacan à propos du nazisme (à la fin du séminaire « les quatre concepts fondamentaux de la Psychanalyse ») et qui a déferlé dans tous les autres génocides du XX° siècle ?

Comment ne pas y penser devant la montée du terrorisme islamiste qui a ensanglanté l’Algérie et continue sa déferlante mondialisée ?

L’explication politique par la persistance du conflit israélo-palestinien ou par la guerre impérialiste en Irak me parait de courte vue, plutôt comme une rationalisation ou un prétexte à un antisémitisme à peine voilé par un antisionisme de façade.

Certes il serait souhaitable et nécessaire que la guerre cesse au Proche-Orient et que des solutions politiques soient trouvées ! Et nous sommes nombreux à le souhaiter ardemment.  Mais il nous restera des enjeux autrement plus difficiles car non localisables aisément dans un conflit ou une ligne de front ; ces enjeux sont au cœur même de la crise du sujet contemporain que le marxisme , mais aussi le tiers-mondisme ont cru traiter en prônant la révolution mondiale ou la révolution nationale , ou en tentant d’articuler les deux .

On connaît la suite qui a été épouvantable pour les pays prétendument socialistes au point tel que l’utopie marxiste est aujourd’hui tellement discréditée que rien ou fort peu ne vient  faire barrage et surtout alternative à l’expansion universelle du Capital.

La chute des empires coloniaux a par contre constitué une grande avancée mais comment ne pas constater aussi en retour l’instauration de régimes plus ou moins dictatoriaux fondés sur des partis uniques , et pour les pays du Maghreb la montée d’un islamisme terrifiant , plus ou moins bien contenu au Maroc et en Tunisie , totalement ravageur en Algérie . Mon propos ne saurait prétendre à une analyse politique de réalités d’ailleurs fort contrastées mais il serait aussi absurde d’envisager la clinique en faisant abstraction de l’inscription du sujet dans l’Histoire et cela de chaque côté de la Méditerranée.

Je voudrais plutôt tenter de déplier un aspect de la question , d’où mon intitulé « il était une fois des juifs arabes … »  qui emprunte le style du récit à l’égard d’une réalité historique et culturelle particulièrement désavouée , aussi bien par les juifs que par les arabes , en particulier par tous ceux qui courent après une pureté ethnique ou religieuse .

J’ai commencé très tôt à m’intéresser à la question ou plutôt elle s’est emparée de moi dans mon enfance au cœur de la guerre d’Algérie : la peur du prochain, du terrorisme aveugle et l’exaltation de la haine communautaire m’ont ainsi en quelque sorte vacciné à tout jamais contre ce genre de tentations. C’est là que j’ai appris le désaveu du nom de la mort remplacé, « euphémisé » par la « disparition » ; c’est là enfin que j’ai vu mise en acte une inégalité et une séparation radicale entre les « européens » et les « arabes » , les « indigènes » puisque tel était le vocabulaire de l’époque . J’étais alors bien loin de penser que les juifs d’Algérie étaient des « indigènes » et les arabes les conquérants d’un pays berbère. En classe j’apprenais la géographie de la France et « mes ancêtres les gaulois », et quand je m’étonnais de la rareté des enfants arabes dans ma classe et de tous ceux qui marchaient pieds nus dans la rue, je recevais bien sûr des réponses mensongères, innocentant la France coloniale et faisant porter la faute aux « indigènes » qui voulaient se maintenir dans leur arriération. Très tôt j’ai su que c’était un mensonge, d’autant plus qu’en même temps, je vivais à la lisière du « quartier arabe », que ma famille comme beaucoup de familles du petit peuple soit disant européen entretenait des relations de réelle convivialité avec ses voisins et que les échanges en particuliers de gâteaux et autres victuailles étaient quotidiens et pas seulement à l’occasion des fêtes religieuses. Surtout ces échanges se faisaient en langue arabe, langue que mes parents parlaient entre eux, mais qu’ils n’ont pas souhaité me transmettre. Longtemps j’ai mis cela sur le compte de la névrose familiale et j’ai eu un choc quand j’ai lu « le monolinguisme de l’Autre » de Jacques Derrida, ouvrage remarquable à plus d’un titre, qui me transmettait enfin que tel avait été le sort de la quasi-totalité des juifs d’Algérie. En deux  ou trois générations après le décret Crémieux ( 1870) qui donnait la nationalité française aux « juifs indigènes » , il y avait eu une poussée irrésistible pour le meilleur et pour le pire vers la France , sa langue et sa culture au point de refouler la langue arabe et même de dénier radicalement tout enracinement local en s’inventant une origine idéalisée et étrangère .

Et pourtant les « juifs indigènes » étaient là depuis fort longtemps, ce que j’ai découvert par plusieurs strates successives. Ils se disaient sépharades, autrement dit espagnols, ce qui aurait fait remonter leur arrivée à la chute du royaume de Grenade (1492) et pourtant j’appris assez rapidement que mon patronyme comme bien d’autres était en fait d’origine berbère.

Ainsi il y avait donc eu des berbères juifs ou judaïsés ! Ce qui ne cesse de m’étonner , c’est le silence assourdissant sur la question ; certes il y a eu un renouveau de la revendication culturelle et linguistique berbère que l’on entend très ouvertement dans le Maghreb en particulier dans le pays berbère marocain , mais aussi en Kabylie où là c’est explosif …

Mais jamais ou presque je n’avais lu de publication traitant sérieusement cette question  même si je ne pouvais qu’en avoir l’intuition lorsque je visitais au Maroc les ksour berbères juifs abandonnés par leurs habitants émigrés en Israël . Et puis comment imaginer des siècles de cohabitation et de proximité, voire de promiscuité, sans faire confiance au sexuel !

C’est tout récemment pour la préparation de ce colloque que je suis tombé sur un livre recommandé par un collègue ( Stéphan Hassen Chedri ) ; ce livre « Les tribus oubliées d’Israël /L’Afrique judéo-berbère, des origines aux Almohades »,  je vous le recommande vivement dans la mesure où il traite la question en profondeur.

L’auteur Didier Nébot s’étonne aussi du peu de curiosité sur le sujet et écrit à sa manière ce que je qualifierai de « roman historique » étayé par nombre d’archives , mais aussi par les contradictions flagrantes entre les historiens de l’Antiquité , les historiens arabes et les contemporains prenant pour argent comptant si on peut dire les allégations antérieures . Or il est important d’avoir à l’esprit d’abord que ce sont toujours les vainqueurs qui écrivent l’histoire et que chaque peuple de cette région a tendance à produire une histoire édifiante et purifiée. L’histoire officielle dans ces pays a tendance à fonder son récit dans la conquête arabe, qui pourtant ne s’est produite qu’au 7° siècle. Ce que montre Didier Nébot, c’est bien sûr qu’avant il y avait les berbères, ce que plus personne maintenant n’oserait contester ; mais en outre que les tribus berbères auraient été profondément judaïsés, et cela très tôt, bien avant la destruction du Temple de Jérusalem (70 avant JC), comme on a l’habitude de le penser.

Sa thèse démontrée avec force, c’est qu’un certain nombre de tribus juives seraient arrivées dès le VIII° siècle avant JC avec les Phéniciens et auraient participé pendant plusieurs siècles à la fondation et au rayonnement de Carthage. Il est utile de savoir , et je l’ai appris avec ce livre , la très grande proximité entre hébreux et phéniciens , deux peuples sémites à la différence des berbères , parlant des langues voisines dérivées de la langue des cananéens et partageant un certain nombre de rites comme la circoncision et l’interdiction de manger du porc . A cette époque, il était courant que des croyances polythéistes coexistent avec la croyance monothéiste. D’ailleurs Octave Mannoni en avait eu l’intuition quand dans son travail sur la croyance (dans « Clés pour l’imaginaire »), il soulignait que les Hébreux croyaient aux dieux des autres peuples puisqu’ils leur faisaient même la guerre ; et la Thora est également truffée de moments de trahison du « peuple à la nuque raide » défiant Moïse et retournant adorer les idoles.

En tout cas Carthage, de sa fondation en 813 av JC jusqu’à sa destruction en 146 av JC allait constituer un foyer de civilisation sémite dans le Maghreb : selon Gsell repris par André Chouraqui : « les autochtones du Maghreb, par leur langue et leurs mœurs étaient devenus des Phéniciens », « des sémites étroitement apparentés aux Hébreux de Judée ».

Je n’ai pu m’empêcher de repenser en lisant cela à l’enfant Freud , s’identifiant seul de sa classe  aux Carthaginois alors que la « majorité compacte » était spontanément du côté des romains ; ce qui d’ailleurs contredit les hypothèses d’Edward Saïd voulant faire croire à un Freud tourné vers l’Occident et méprisant l’Orient ; hypothèses fausses et de plus dangereuses par les temps qui courent , qui caractériseraient la psychanalyse comme judéo-chrétienne , avec toutes les tentations actuelles de cliver l’Orient de l’Occident ; alors que , pour reprendre la citation de Goethe inscrite par Fethi Benslama à la fondation du « Diwan Occidental-Oriental »:

« Celui qui se connaît lui-même et les autres

Reconnaîtra aussi ceci

L’Orient et l’Occident                                                       

Ne peuvent plus être séparés. »

Pour en revenir à l’Histoire du Maghreb dont je ne retiendrai que quelques éléments et avant de discuter de la méthode de l’auteur , il est important de faire ressortir la complexité des peuplements , des flux et des reflux , et des interpénétrations entre les nomades et les citadins,  au fur et à mesure des invasions .

Quoiqu’il en soit, à la fin de l’empire romain, coexistaient deux types de populations, l’une sédentaire et pacifique, urbanisée sous influence romaine, adepte du christianisme et du judaïsme, et l’autre composée de tribus nomades éleveurs de troupeaux, guerriers et pratiquant la razzia, païens et judéo-berbères . Ce sont ces tribus qui résisteront plus tard à la conquête arabe, avec le mythe de La Kahéna , princesse judéo-berbère des Aurès dirigeant farouchement la révolte et arrivant un temps à contenir la progression inexorable de l’Islam .

Cette bipolarité s’inscrit d’ailleurs dans les cycles décrits par Nadir Marouf de lutte incessante entre sédentaires et nomades , avec forcément des croyances et des mythes hétérogènes , voire contradictoires .Il y a eu ainsi de la haine chez les juifs des villes à l’égard de La Kahéna qui avait pratiqué une politique de la terre brûlée en croyant à tort décourager les arabes  . L’hypothèse de l’auteur, étayée par nombre d’indices, c’est qu’il y aurait eu constitution d’un judaïsme primitif, ignorant le Talmud de Babylone, et pour cela désavoué par la synagogue. Ces « juifs berbères » n’étaient pas reconnus comme juifs ; un peu comme les falashas qui, à ma connaissance ne sont toujours pas reconnus comme tels par le rabbinat et ont été ramenés en Israël  sur une décision politique. La différence , et elle est de taille , c’est que dans le cas du Maghreb , il y a eu ensuite plusieurs vagues d’immigration juive qui ont apporté avec elles les langues de tout le bassin méditerranéen , les traditions et la pratique talmudique ; cela à partir d’un refoulement ou d’un déni initial : il n’y avait pas de juifs avant eux . Les berbères étaient des païens qui s’étaient ensuite islamisés et les chrétiens avaient « disparu » entre-temps ; d’où ensuite le long tête à tête inégal entre juifs et arabes.

On s’aperçoit que dans cet escamotage  « arabe » devient équivalent à « musulman », et que les berbères pourtant largement majoritaires seront longtemps niés dans leur histoire, leur langue et leur culture. Or ce qui a été refoulé, nié, forclos, finit toujours par faire retour d’une manière ou d’une autre ; cela la psychanalyse nous y confronte tant au niveau des individus qu’à l’échelle des peuples ; d’où mon long détour par cette histoire ancienne qui peut vous paraître désuète.

Ce n’est bien sûr pas mon avis car je suis intimement persuadé que tout ce qui peut troubler l’identitaire comme idéologie et comme symptôme est bon à prendre. J’ai trouvé remarquable la conclusion de l’auteur , juif d’origine algérienne et farouchement français , se sentant tenu d’avouer ses sentiments initiaux hostiles à l’égard des arabes qui l’avaient chassé de ce qu’il considérait à juste titre comme son pays , puis sa surprise de découvrir le mythe de la Kahena qui l’avait conduit à faire cet énorme travail historique et à se découvrir ainsi bien plus qu’il ne l’aurait voulu berbère et donc arabe , puisque les berbères et les juifs s’étant à ce point arabisés pendant près de 1300 ans , il devenait insoutenable de maintenir des séparations étanches .

Vous voyez donc comme il y a « péril en la demeure » dès lors qu’on défait les édifices théologico-nationaux  et qu’on reconstruit les entre-deux qui ont été abrasés ! Mais aussi soulignons le, quelle richesse à assumer toutes ces origines stratifiées, entrelacées !

A ce point de notre parcours, il convient de préciser l’orientation que je tente d’esquisser : l’enjeu ne consisterait pas à retrouver une origine perdue et idéalisée, d’autant plus idéalisée que perdue, ni à revendiquer une sorte de « droit au retour » d’autant plus pathétique que cela supposerait un retour délirant à l’ancestral.

Il y a de la perte à assumer comme telle au regard de l’Histoire mais aussi des parcours subjectifs et il ne s’agit pas de s’abîmer dans une jouissance victimaire, d’autant plus leurrante qu’elle conduit à une sorte de prise en masse plus ou moins consciente  du sujet dans son groupe ethnico-religieux. Comme on sait, ce piège ne concerne pas les seuls militants islamistes mais nombre d’exilés, se suridentifiant aux emblèmes de leur groupe d’origine, ou plutôt de ceux de leurs ancêtres, comme le faisait remarquer J.Hassoun dans « Le Passage des étrangers ». Il est ainsi des groupes qui se revendiquent comme « indigènes de la République », voulant ainsi maintenir une identité de victime qui les conduit d’ailleurs à une sorte de concurrence assez obscène. Il se profile ainsi un « droit au génocide » qui permet toutes les dérives d’un  nouvel antisémitisme cette fois ci porté par des forces auparavant tiers-mondistes ou marxistes internationalistes !

 Je ne m’étendrai non plus sur les dérapages d’Alain Finkelkraut qui traduisent aussi le désarroi de pas mal d’intellectuels juifs venant de la gauche politique et la poussée communautariste qui affecte aussi nombre de psychanalystes qu’on aurait pu espérer mieux protégés d’une telle dérive …

Ainsi les signifiants de l’exil sont-ils plombés de cette dérive du Politique qui affecte la laïcité et qui risque de plonger nombre d’exilés dans l’impasse d’un exil infini, pour ne pas dire d’une errance mélancolisante.

C’est souvent ce désarrimage que nous retrouvons dans la clinique la plus quotidienne et qui a pu conduire certains dans l’impasse d’une ethno-psychanalyse où il s’agirait de réinscrire de façon plus ou moins forcée l’exilé dans les signifiants de son ethnie. Ce qui fait l’impasse précisément sur l’entre-deux  et le passage nécessaire d’une rive à l’autre, passage qui peut aussi constituer un enrichissement subjectif à certaines conditions.

Certes ce passage suppose un accueil  où il s’agit pour chacun d’affronter la folie de l’autochtonie et de créer un espace qui permette au sujet de reconnaître et supporter sa propre altérité, son étrangeté à lui-même et a fortiori à tout groupe .

C’est ainsi que Freud a pu se revendiquer comme « juif infidèle » et cette formulation qu’il s’agirait de décliner pour chaque peuple de façon particulière  représente toujours un enjeu d’une actualité troublante.

Ainsi la méthode freudienne suppose-t-elle de soutenir un paradoxe dans la transmission mais aussi dans la clinique la plus quotidienne, et il ne faudrait pas croire que cet enjeu se limite à l’entre-deux franco-maghrébin ou judéo-arabe ; chaque guerre coloniale, chacun des massacres et génocides actuels (Bosnie , Tchétchénie , Rom , Afrique des Grands Lacs etc.…) nous ramènent son lot de sujets en souffrance .

Je pense en particulier à une femme tchétchène reçue récemment en consultation et ne pouvant me parler que par le truchement d’une amie ukrainienne traduisant depuis le russe, seule langue partagée par les ex-membres de l’Empire mais aussi langue des criminels qui avaient assassiné sa famille. Elle était depuis 5ans en France, avait réussi à pousser ses enfants vers des études de haut niveau et en particulier des études de langues pour l’un d’entre eux devenu interprète, mais elle ne pouvait effectuer le passage au français ; probablement coincée par un sentiment de trahison à l’égard de ses proches restés sous les bombes au pays.

Je ne sais pas encore si cette femme pourra effectuer sa traversée et ce serait l’enjeu d’une thérapie analytique si elle arrive à en soutenir le désir ; je sais par contre que le seul fait de pouvoir trouver un interlocuteur attentif et averti de ces enjeux cruels a eu des effets immédiats d’abréaction et de réduction de la douleur . Précisons qu’il ne s’agit pas de compassion, elle s’était déjà trouvé une amie pour cela, mais d’une écoute du sujet en impasse dans l’entre-deux langues. Je lui ai d’ailleurs proposé de revenir me parler sans interprète, et de me parler comme elle le pourrait avec ses mots…

Mais il est d’autres situations bien plus fréquentes où ces enjeux n’apparaissent pas au premier plan alors que pourtant ils constituent le soubassement muet de nombre d’histoires cliniques. Je pense là aux rejetons de toutes ces guerres et aux points de rencontre affolants entre des catastrophes généalogiques et des transmissions falsifiées.

J’ai exposé  l’année dernière lors du colloque de Pratiques de la Folie la prise en charge d’une fille de tortionnaire français en Algérie « guérie » de sa folie psychotique à la suite d’une intervention prenant enfin en compte la dimension traumatique de la crypte  ; de même l’histoire de Nedjma exposée à Ghardaïa l’année dernière et publiée dans le livre collectif de La Criée ( « Aux limites du Sujet » ) .

Ces deux prises en charge ont fait enseignement, en tout cas pour moi, me conduisant à retrouver les hypothèses psychanalytiques de la crypte  telles qu’elles ont été découvertes par Nicolas Abraham et Maria Torok, ( cf. « l’Ecorce et le noyau » ) . Il est remarquable que cette « fiction théorique » ait des effets de vérité dans des configurations cliniques hétérogènes, y compris dans des psychoses schizophréniques dites chroniques.

Est-ce remettre en question l’hypothèse lacanienne de l’irréversibilité de la forclusion ? Je ne me risquerai pas à un tel défi alors qu’il s’agit surtout de soutenir la possibilité d’une psychothérapie psychanalytique des psychoses et des « états-limites » qui ne prétexte pas de l’irrémédiable de la structure pour justifier, comme cela a été longtemps le cas, l’impuissance  de la psychanalyse alors qu’il s’agit en premier lieu de la résistance du psychanalyste !…

Ces hypothèses ont été d’ailleurs été revisitées par bien d’autres avant moi, et je pense en particulier à Ginette Michaud qui dans son livre « Figures du Réel » avait remarquablement développé cet enjeu de la « levée de crypte » à propos du cas d’Harriet et l’activité psychique et corporelle que cela suppose du côté de l’analyste.

Ce qui m’importe ici serait de signaler la pertinence de ces hypothèses théoriques à propos de la « clinique de l’exil » pour reprendre l’expression de Fethi Benslama ; clinique éminemment hétérogène , car chaque sujet réagit de façon heureusement imprédictible à ces impasses de « l’entre-deux » , certains , comme je l’ai déjà évoqué , y trouvant une source sublimatoire d’enrichissement psychique .

Pour revenir à nos enjeux cliniques , j’aimerais maintenant évoquer le cas d’un homme qui s’était présenté à ma consultation il y a 10 ans avec ce qui m’était apparu comme une absence de demande ; son discours était inconsistant ne laissant aucune prise à la moindre intervention de ma part ; in fine il m’avait confié une hallucination isolée dont je n’avais su que faire . Ce qui me frappait c’est que cet homme à l’allure de grand enfant, en parlait comme en spectateur et qu’il expliquait cela par un don de médium reçu de sa mère . Curieusement aussi, il se présentait comme « pied-noir » par filiation de ses parents ,  alors que né en France il n’avait jamais connu l’Algérie .

Il avait arrêté de venir me parler comme il était venu : très discrètement, et je ne m’en étais pas alarmé. Quelques mois plus tard, je le croisais interné dans le service hospitalier, totalement délirant et halluciné, et comme il était suivi par un autre médecin, je le perdis de vue. Je n’étais en vérité pas très fier, ayant l’impression d’être passé à côté de ce qu’il aurait fallu faire ou tout au moins entendre.

Peu après le départ du collègue, et sous la forme de l’évidence, le patient demande à me revoir. Entre temps, tout en conservant son allure d’enfant, il est devenu père de famille avec une femme et deux jumeaux qu’il va me présenter. La situation parait figée et intouchable ; d’ailleurs il ne se plaint de rien et me demande simplement de renouveler de façon stéréotypée une ordonnance de neuroleptiques.

Cela va durer un an, jusqu’à ce qu’il il se produise un changement apparemment anecdotique : il me demande un changement de traitement en raison d’une prise de poids qui l’inquiète. Dès lors toute la stabilité de façade va voler en éclats : il se remet à délirer , à entendre des voix qui l’insultent , à se sentir menacé par des groupes dans la rue qui veulent  lui « faire sa peau » , il dialogue aussi comme Schreber avec les oiseaux , ce qui tantôt l’apaise ou le persécute ; j’ai cru comprendre que les oiseaux participaient de la surveillance mais je n’ai pas pu aller beaucoup plus loin ; ce que le patient demandait , ce n’était pas du tout une psychothérapie, mais un traitement qui magiquement lui aurait permis de retrouver l’équilibre perdu, et surtout de stopper la panique qui l’avait envahi . J’ai eu la faiblesse d’accepter mais rien n’y fit et le voilà retourné à l’hôpital où je vais le rencontrer 2 séances par semaine.


La surprise vint de ce que la fonction bien souvent apaisante de l’hospitalisation n’eut pas lieu : il était de plus en plus apeuré, les oiseaux lui parlaient par la fenêtre de sa chambre et les groupes l’attendaient à la porte du service pour le liquider.

Il ne pouvait plus quitter la clinique et les week-end en famille étaient écourtés par la terreur, comme s’il ne pouvait plus retourner sans danger auprès de sa famille. J’ai eu un temps l’espoir d’une intervention apaisante ; le patient avait en effet confié à l’interne, qui le recevait quotidiennement tout en participant aux séances hebdomadaires avec moi, son inquiétude devant le désir de sa femme d’avoir un autre enfant. L’entretien avec la femme n’eut pourtant aucun effet apaisant bien qu’elle se déclara prête à tous les aménagements, et même à renoncer à une nouvelle grossesse dans l’immédiat. Par contre, j’appris alors un élément qui me mit sur la piste : le délire s’était déclenché quand il avait dû donner une petite tape sur la cuisse d’un des jumeaux sur l’injonction de sa femme qui en quelque sorte lui demandait d’exercer sa fonction paternelle. Aussitôt il avait su qu’il n’avait pas le droit de taper l’enfant et les menaces de mort à son égard s’étaient déclenchées comme pour le punir. Bien sûr j’aurais pu me contenter de cette impossibilité d’exercer la fonction paternelle mais comme aucune intervention ou construction ne pouvait toujours pas calmer sa terreur, j’ai eu alors l’intuition quelque peu délirante qu’il fallait peut-être rechercher du côté de cette origine « pied-noir» mentionnée dès le premier entretien et dont je n’avais rien fait jusqu’alors. C’est sans doute la menace à peine voilée de mort sur l’enfant qui m’a touché en me rappelant cette période de la guerre d’Algérie où cette menace était omniprésente. Certes mon patient n’avait pas connu cette guerre mais quid de ses parents ? Je les ai alors invités à venir me rencontrer et il m’a fallu dissiper une profonde méfiance initiale en jouant d’une origine partagée : après tout je venais de là-bas moi aussi …

Je dois dire que je fus moi-même surpris : mon patient, tout en me donnant son accord, ne voulait pas assister à l’entretien mais  sa femme curieusement voulait en être tout en sachant depuis longtemps qu’il s’était passé quelque chose dont son mari ne voulait pas entendre parler. J’ai d’entrée de jeu eu droit au discours édifiant « là bas on s’entendait tous bien : chrétiens, juifs et musulmans ; on allait ensemble à l’école ; il n’y avait pas ce racisme comme en France ; c’est la politique qui a tout détruit». Vous aurez reconnu là un discours devenu monnaie courante et qui nie profondément le fait colonial pour idéaliser un passé disparu. Ce qui n’était pas courant , c’est que je compris à quelques détails qu’ils avaient eu maille à partir avec l’armée française et que le père avait  peu ou prou trempé dans l’aventure peu glorieuse de l’OAS et tentait de l’occulter comme il le pouvait ; surtout ce qu’il soulignait c’est que la mère avec son « don » , n’avait elle jamais éprouvé la moindre peur . Et pourtant elle avait failli emprunter un autobus qui explosa sous l’effet d’une bombe du FLN. Je vous épargne le récit vraiment effrayant de tout ce qu’elle avait subi pour insister sur cette absence d’éprouvé de la peur et sur le silence de plomb que cette femme observa une fois rentrée en France : « il ne fallait pas effrayer les enfants et d’ailleurs mon fils est né en France ». Il est aussi remarquable qu’elle ait senti sa famille victime de racisme « comme s’ils étaient des arabes » ! Mais maintenant elle n’avait plus peur et dès qu’elle entendait de la musique arabe,  comme chez les voisins de son fils : une « européenne mariée à un arabe », elle se mettait à danser et à chanter, ce qui effrayait son fils …

Vous aurez remarqué le signifiant « européenne » qui ressurgissait 50 ans après, et le mélange affolant de racisme dénié et d’attirance pour la culture arabe.


Fin de l’entretien et à mon grand étonnement, surgissement dans mon bureau de mon patient voulant que je lui raconte l’entretien auquel il avait refusé d’assister ; ce que je fis bien sûr en remarquant en mon for intérieur qu’il me faisait jouer le rôle de « truchement » (cf. le texte de J.Hassoun dans « l’Exil de la langue »), pour supporter un récit qu’il ne pouvait pas entendre directement de la bouche de sa mère . Il se contenta d’ailleurs du récit, persistant dans un interdit de penser à cette chose là, me tenant en quelque sorte en respect et je dus respecter ce refus.

Il aurait été manifestement explosif d’aller plus loin et de questionner cet interdit sans attendre que le sujet puisse le supporter.

Toujours est-il que son état s’améliora progressivement depuis ce jour, qu’il put faire ses premiers pas à l’extérieur de la clinique avec une infirmière pour faire les courses nécessaires à  la fabrication d’un couscous du club thérapeutique ! Je dois préciser cette curieuse coïncidence, le club ayant lui-même sa propre dynamique, mais alors que je prêtais mon couscoussier, je me demandais comment il allait réagir. Et bien il fut ravi et poussa même des you-you de réjouissance à la manière des femmes arabes ! Sans doute cela faisait-il partie du fameux « don » hérité de la mère, qui lui avait donc transmis comme à une fille son goût pour la culture arabe, et en même temps l’interdit de le penser. C’était comme si le non- éprouvé de la peur chez la mère, point de déni et même probablement de forclusion, avait fait retour dans le réel à la génération suivante sous la forme de la terreur éprouvée par mon patient plongé dans une guerre d’Algérie éternisée ; éternisée car se heurtant précisément à cet interdit de penser et à une sorte de trou dans l’appareil psychique.

La remise en circulation des éléments encryptés suffira-t-elle à guérir mon patient ? Il faudrait être bien naïf pour le croire même s’il a pu depuis rentrer chez lui et arrêter de délirer et d’halluciner. C’est tout au moins ce qu’il veut me faire croire pour que je le laisse tranquille, ce que je respecte en gardant en réserve mon désir d’analyse, tout en maintenant l’offre de parole.

Dans cette histoire clinique comme dans la précédente, il s’est agi de situations psychiatriques et j’espère vous avoir transmis que l’écoute analytique et les déplacements qu’elle provoque peuvent avoir des effets importants à condition de ne pas effectuer de forçage et de laisser son temps au sujet.

Je voudrais avant de conclure évoquer un bref fragment de clinique analytique  où là j’ai été confronté à une femme qui se considérait comme « fichue », c’était en quelque sorte « la psychanalyse ou la mort », et qui après plusieurs années de travail analytique fort difficile, finit par me confier un détail que son précédent analyste avait considéré comme banal: son effondrement avait commencé lors de sa prime adolescence à l’occasion d’un déménagement de la famille.

Bien sûr ce détail négligé était de la plus haute importance : à l’occasion de ce changement de région, elle avait dû supporter les moqueries de ses camarades d’école devant son accent berrichon qu’elle avait dû abandonner. Elle que l’on aurait pu croire franco-française s’était retrouvée traitée comme une étrangère , et ce « détail » avait été d’autant plus traumatique que le déménagement en question avait été décidé par un père cédant de guerre lasse aux injonctions de sa femme , cédant surtout sur son désir et le sacrifiant sur l’autel du couple .

Ce père s’était depuis effondré et prônait les valeurs du sacrifice, ce que mon analysante incarnait en se mélancolisant. Il aura suffi d’interpréter cette affaire dans le transfert pour qu’un tournant se produise dans la cure et qu’elle retrouve une énergie qu’elle croyait depuis longtemps disparue …Là encore l’expérience ne peut que tempérer l’enthousiasme : pourra-t-elle supporter longtemps une telle reviviscence alors qu’elle ne connaissait jusqu’alors que des satisfactions masochistes ? Le désir de l’analyste et la force du transfert permettront-ils une poursuite de la cure ? Seule la suite le dira qui est radicalement tributaire du désir du sujet comme pour toute analyse …

 

Au terme de ce parcours , où j’ai tenté de partir de ce qui se présentait comme le plus étranger pour vous ramener au plus proche d’une apparente autochtonie , j’espère que vous aurez remarqué que ce qui pourrait être considéré comme un particularisme exotique nous a introduit à la méthode freudienne qui constitue pour moi une sorte de seconde terre natale ; un sol porteur construit en premier lieu à partir des points de découverte d’une analyse et non d’un savoir religieux et fétichisé . Que cela ne justifie aucune passion de l’ignorance doit aussi être mentionné pour ne pas prêter à confusion. Mais seul cet acte de foi dans l’inconscient freudien  peut m’aider à m’orienter dans le tourment de l’origine.

Il était une fois des juifs arabes pourra alors résonner autrement qu’un point de nostalgie infinie mais plutôt comme la marque qui me mettant en rapport avec mes signifiants fondateurs ressource mon désir d’analyste. Nous le savons depuis Freud et nous le redécouvrons chaque jour : ce désir comme tout désir n’a rien d’éternel et suppose une relance incessante, une analyse infinie.

Il me semble important de remarquer que cet enjeu de l’exil géographique nous confronte à la nécessité d’élaborer « l’exil intime », ce qui suppose dans un double mouvement de s’extraire de l’origine, de s’en séparer radicalement, tout en pouvant garder le contact avec cette chose perdue, la chose freudienne, Das Ding dont parle Lacan dans son séminaire sur l’Ethique.

C’est ce mouvement paradoxal , cette pulsatilité dans le rapport à l’origine qui constituerait le plus vif de ce qu’il y aurait à transmettre pour accueillir l’altérité sans la fixer et envisager l’exil et l’entre-deux comme la possibilité d’un enrichissement subjectif .

 

PATRICK CHEMLA

 

voir annonce du prochain, XI colloque de la CRIEE sur ce site)