psychanalyse In situ


Le non (nom) du viol

Je suis âgé de 31 ans, père de deux merveilleux fils qui sans doute pressentent mais ne connaissent pas mon histoire.
Analysant et Analyste en formation mes maux transpirent au delà de la parole et me poussent parfois à écrire car les mots ne suffisent plus.

Qu'y-a-il dans la parole de tellement redoutable que si souvent j'ai choisi de l'accepter pour la faire bavarder plutôt que de la faire parler ?
Une certaine épreuve de vie à laquelle j'ai souvent voulu me soustraire. Que puis-je découvrir au moment, à l'instant ou je recueille mes propres mots, les mots de celui qui croyait parler innocemment de ce qu'il pensait être et là je me dis: " Suis-je justifié de parler ? "

Je me soustrais à cette question en me réfugiant dans la normalité quitte à payer cette fuite par un symptôme en l'occurrence le mensonge.
Parler pour ne fuir ce que ma propre vérité tente chaque jour de me faire entendre ?
Cette souffrance au plus profond de moi-même aura mis prés de 25 années à s'extirper de sa cage aliénante. Faut-il attendre tout ce temps pour ne plus demeurer immobile sous " la fixité du mauvais oeil", commandement sidérant et injonction surmoïque ont fait l'objet durant toutes ces années d'un conflit intra-psychique qui outrepasse parfois les forces de la vie.
Cette guerre interne n'a été pour moi que douleur rendant insatiable mon désir de n'être qu'ailleurs, quelqu'un d'autre au point d'en vouloir à la vie et de se donner la mort afin d'échapper à cette enveloppe charnelle qui en son sein renfermait ma Douleur et ma Haine.

Je me livre à Dieu, j'attends qu'il me porte dans ses bras, je ne veux voir que ses traces de pas sur le sable car moi, je m'y suis enfoncé au point de ne plus pouvoir respirer.
J'aimerai tant pouvoir marcher seul, je n'ai pas encore assez d'équilibre mais après ce semblant de mort j'aspire à renaître à nouveau pour qu'enfin là on me reconnaisse.
J'aspire dans mon existence future à être en lien étroit avec ma propre histoire, l'effacer ne servirait à rien, l'ignorer encore moins, il faut de cette souffrance sidérante, cruelle, .....que j'en tire tout le bénéfice. Rien ne sert à rien dans une vie.

Je ne souhaite pas devenir le Messie du NON VIOL mais simplement en être le témoin, l'identifiant d'une telle douleur, l'analyste d'analysants dans le champs de vision de ce mauvais oeil devenu mobile!
Je parle en mon nom, sans valeurs absolues, je ne suis rien de ce l'objectivité suggère, seule ma subjectivité à être de nouveau celui qui vit en lui et par lui pour venir en aide à autrui.
Tâche difficile d'un homme en devenir alors que l'enfant qu'il a laissé mourir est enterré non loin, en attendant que définitivement on l'incinère ou qu'on l'insinue ou ainsi nu; pour qu'enfin il devienne l'enfant reconnu par la vie et non par la mort. Tout cela figure dans cette ambiguïté d'être et ne plus être, ambivalence du surmoi et de l'inconscient parlant, rêvant, vivant, je tente de forcer le passage, et avec beaucoup de sarcasme je dirais le sort entre à nouveau par la bonne porte et c'est tant mieux.
Le Nom du Père lacanien devient mon NON DU GRAND-PÈRE, image entachée d'une couleur bleue pourpre amenant à ma mémoire le souvenir d'une mort, celle d'un enfant de six ans pris dans un "aléa jacta est" au profit d'un adulte en devenir "vitam impendere vero, ut fata trahunt"

Stéphane BOUVET 
lfévrier 2001.